Mission : Impossible – Dead Reckoning Partie 1, des espions qui nous laissent froids

De nouveau renié par son gouvernement, Ethan Hunt et ses coéquipiers vont être confrontés à un adversaire intangible né à l’ère numérique. Ils vont devoir sacrifier l’inimaginable afin de s’extirper d’une situation intenable lors de ce baroud d’honneur.

Dernier représentant d’une certaine idée du blockbuster qui a émergé dans les années quatre-vingt, Tom Cruise se dresse en ultime rempart face à l’ascension du super-héros américain. L’acteur/producteur omnipotent, champion de l’Église de scientologie, marque de son empreinte le box-office. Si on peut douter en partie de son registre dramatique, correct, mais limité, on ne peut pas nier en revanche ses performances physiques, mises à contribution dans Top Gun : Maverick et bien évidemment dans la franchise Mission : Impossible.

Cette saga justement repose entièrement sur l’aura de l’interprète d’Ethan Hunt et s’est hissée au fil du temps en référence incontournable aux yeux du public en dépit des nombreuses lacunes qui émaillent ses différents épisodes. D’autant plus que hormis l’opus signé Brad Bird (Protocole fantôme), rien ne justifie l’engouement autour de la licence, bien que le travail de Christopher McQuarrie ait impressionné à tort ou à raison admirateurs et observateurs. En outre, très éloigné désormais de la série télévisée qui lui sert de support, Mission : Impossible tient bien plus d’un James Bond survitaminé que du principe d’infiltration cher à l’œuvre originale.

Cependant, au moment de conclure (définitivement ?) les aventures d’Ethan Hunt à travers le diptyque Dead Reckoning, il semblerait que Christopher McQuarrie et son équipe aient décidé de renouer avec les caractéristiques inhérentes aux missions de Jim Phelps par le passé, à commencer avec l’atmosphère paranoïaque qui régnait dans chaque épisode.

Ghost in the Shell

De fait, le réalisateur abat ses cartes durant une séquence d’exposition sous-marine se référant directement à À la poursuite d’Octobre rouge, K19 ou au récent Le Chant du Loup. Lors de ces quelques minutes anxiogènes, McQuarrie affiche un véritable savoir-faire tout en introduisant les enjeux qui auront cours ensuite. Et si certains subterfuges utilisés pendant cette scène n’innovent en rien, ils ont le mérite de crédibiliser l’entreprise du cinéaste. Une bonne chose au moment de présenter l’adversaire d’Ethan Hunt, né à coup de code informatique.

Certes, le recours à l’intelligence artificielle en tant que menace implacable ne date pas d’aujourd’hui et a offert quelques morceaux d’anthologie chez Stanley Kubrick (2001, l’odyssée de l’espace), Mamoru Oshii (Ghost in the Shell) et James Cameron (Terminator). Mais se servir de cet ennemi invisible dans un contexte contemporain, à l’heure où cette technologie suscite moult débats et interrogations y compris au sein d’Hollywood, s’avère idéal pour un long-métrage consacré aux faux-semblants et conspirations de toute sorte. Un sentiment d’insécurité resurgit comme aux grandes heures de la Guerre froide et on espère que le cinéaste s’appuiera sur ce ressort pour développer son dispositif.

Hélas, s’il n’oublie jamais d’adopter cette posture, il ne parvient jamais à se l’approprier totalement, illustrant son propos plus que nécessaire, désamorçant ainsi la tension palpable et abrogeant toute élégance dans sa démonstration. Au lieu d’avancer masqué et à pas feutrés, il préfère le passage en force, en indiquant au préalable, par des dialogues sans ambiguïté, qu’il est impossible de se vouer à quiconque… excepté à ses proches. Il reprend alors un refrain bien connu ainsi que tous les éléments propres à la franchise, ce jusqu’à la nausée, sans apporter un quelconque vent de fraîcheur à l’ensemble.

Recyclage forcé

On reproche aux films du Marvel Cinematic Universe (et en général produits par Disney) de ressasser les mêmes formules éculées, voire de reprendre à chaque fois des scènes entières dans chaque long-métrage, à l’image des conclusions super-héroïques durant lesquelles d’énormes vaisseaux ou engins aériens s’échouent sur terre en mer… or une critique similaire peut être émise sur bon nombre de licences, y compris pour Mission : Impossible, tant les schémas narratifs et visuels employés se ressemblent à chaque volet.

Et c’est le cas une fois de plus dans Dead Reckoning où un Tom Cruise renégat tente de sauver le monde et ses amis à l’insu de ses supérieurs. Les scénaristes ne surprennent plus, ils agacent. Quant aux passages supposés homériques, ils relèvent du déjà-vu (ah le point d’orgue final qui rappelle celui de Fallout) ou du ridicule (cf. la course-poursuite dans Rome, aussi stupide que celle entrevue dans le pathétique Fast & FGurious X). Reste un duel nocturne vénitien honorable à défaut d’être mémorable.

Agent Atwell

Fort heureusement, une lumière émerge au milieu de ce projet sans saveur en la personne d’Hayley Atwell. Il faut savoir que Christopher McQuarrie avait justifié son choix de scinder Dead Reckoning en deux parties afin de développer au maximum la totalité de ses protagonistes. Si son intention, très noble au demeurant, ne se concrétise pas vraiment (entre un Gabriel peu charismatique et une Veuve Blanche réduit à l’état de faire-valoir), il parvient en revanche à ériger l’actrice britannique en figure incontournable de son bébé.

Cantonnée trop souvent aux rôles subalternes et rendue visible pour un large public pour avoir incarné l’agent Carter dans Captain America : First Avenger, Hayley Atwell fait étalage de tout son talent et sauve quelque part la partition monolithique de ses partenaires et volerait presque la vedette à Tom Cruise (bien que Dead Reckoning soit dédié à sa gloire). Il faut louer la prestation d’Hayley Atwell comme il se doit, surtout qu’elle n’est point aidée par le manque d’originalité de son personnage façonné à l’identique de celui de Nyah dans Mission : Impossible II.

Bien entendu, ce point positif ne balaie pas tous les écueils qui entachent ce Mission : Impossible – Dead Reckoning. Et même si les prouesses accomplies par Tom Cruise raviront ses adeptes, il devient nécessaire d’ouvrir les yeux face à un douloureux constat. Le Hollywood populaire ne répond plus depuis longtemps et nous sert désormais qu’une soupe standardisée, surhumaine ou pas, au goût d’inachevé, voire infect.

Source : Boojum du 16/07/2023 par François Verstraete



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A propos de Hayley Atwell, actrice britannique
Hayley Atwell, née le 5 avril 1982 à Londres, Angleterre, est une actrice britannique. Après plusieurs téléfilms, elle obtient son premier rôle au cinéma dans Le Rêve de Cassandre de Woody Allen aux côtés d’Ewan McGregor et Colin Farrell. En 2008, elle apparait dans The Duchess avec Keira Knightley. En (...)
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